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Lors de l’Emission Politique du 9 mars 2017, c’est Benoît HAMON « l’invité ».

Benoît Hamon, lors de sa campagne pour la Présidentielle, parle beaucoup de la forte diminution des emplois « humains » suite à l’augmentation de l’automatisation, l’arrivée de l’Intelligence Artificielle…

M. LENGLET est très critique : «  on n’a jamais eu autant de technologie et on n’a jamais eu autant d’emplois ». M. LENGLET fait un peu d’histoire. Il cite le cas des « Luddites qui cassent les métiers à tisser car ils ont peur. Ils sont les victimes de ce mouvement (déploiement des machines à tisser), mais ce mouvement a été extrêmement important ». Et il conclut par la formule « si on les avait écoutés, vous seriez venus en charrette et seriez habillé en sac à patates ».

En 1811, des tisserands britanniques s’insurgent contre leurs conditions de travail en brisant les métiers mécaniques de leurs usines. Ces artisans voient leur savoir-faire, durement acquis, ne plus servir face à la concurrence des machines. Il y a ceux qui perdent leur emploi, et ceux qui voient leur condition de travail se dégrader. Ils sont soumis au rythme de machines bruyantes et leur savoir faire perdant de la valeur face aux machines, leur rémunération baisse.

Depuis cette émission je me demandais ce qu’étaient devenus les Luddites. Avaient-ils raison d’avoir peur de l’arrivée des métiers à tisser ? Avaient-ils raison de se révolter ?

J’ai trouvé la réponse dans « Le Capital » de Karl Marx (La grande industrie XV, v - Lutte entre travailleur et machine).

Je cite juste Karl Marx (en espérant vous donner envie de le lire). Il dit tout et c’est surprenant tellement ces propos sont actuels :

« Sous sa forme machine, le moyen de travail devient immédiatement le concurrent du travailleur. Le rendement du capital est dès lors en raison directe du nombre d’ouvriers dont la machine anéantit les conditions d’existence. Le système de la production capitaliste repose en général sur ce que le travailleur vend sa force comme marchandise. La division du travail réduit cette force à l’aptitude de détail à manier un outil fragmentaire [Au début des manufactures, un travailleur pouvait intervenir et maîtriser l’ensemble du processus de production (il pouvait faire valoir tout son savoir faire et estimer facilement la valeur de ce qu’il produisait. Avec la division du travail, il ne maîtrise que quelques gestes du processus de production. Son savoir faire est moindre, perd de la valeur et la valeur apportée par son travail lui est plus difficile à évaluer]. Donc, dès que le maniement de l’outil échoit à la machine [certains gestes sont effectués par une machine et non plus par un travailleur], la valeur d’échange de la force de travail s’évanouit, en même temps que sa valeur d’usage. L’ouvrier, comme un assignat démonétisé, n’a plus cours. Cette partie de la classe ouvrière que la machine convertit ainsi en population superflue, c'est-à-dire inutile pour les besoins momentanés de l’exploitation capitaliste, succombe dans la lutte inégale de l’industrie mécanique contre le vieux métier et la manufacture, ou encombre toutes les professions plus facilement accessibles où elle déprécie la force de travail.

Pour consoler les ouvriers tombés dans la misère, on leur assure que leurs souffrances ne sont que des inconvénients temporaires et que la machine, en n’envahissant que par degrés un champ de production, diminue l’étendue et l’intensité de ses effets destructeurs. Mais ces deux fiches de consolation se neutralisent. Là où la marche conquérante de la machine progresse lentement, elle afflige de la misère chronique les rangs ouvriers forcés de lui faire concurrence [ils sont moins rémunérés et doivent accepter des conditions très dures] ; là où elle est rapide, la misère devient aiguë et fait des ravages terribles.

L’histoire ne présente pas de spectacle plus attristant que celui de la décadence des tisserands anglais qui, après s’être trainée en longueur pendant quarante ans, s’est enfin consommée en 1838. Beaucoup végétèrent longtemps avec leur famille, n’ayant que 25 centimes par jour [ceux qui continue à travailler comme tisserands sont obligés d’accepter des conditions de rémunérations dérisoires]. Dans l’Inde, au contraire, l’importation des calicots anglais fabriqués mécaniquement amena une crise des plus aiguës. «  Il n’y a pas d’exemple d’une misère pareille dans l’histoire du commerce dit, dans un rapport de 1834-35, le gouverneur général ; les os des tisserands blanchissent les plaines de l’Inde ». En lançant les tisserands dans l’éternité [condamnation à mort], la machine à tisser ne leur avait évidemment causé que des inconvénients temporaires. D’ailleurs les effets passagers des machines sont permanents en ce qu’elles envahissent sans cesse de nouveaux champs de production. »

 

Je rappelle ici la formule de M. LENGLET : « si on les avait écoutés [les luddites], vous seriez venus en charrette et seriez habillé en sac à patates ».

A cette époque, déjà, des économistes critiquaient ceux qui s’inquiétaient de la mécanisation sur les travailleurs.

Karl Marx, revient ensuite sur la théorie de la compensation (vi).

« Une phalange d’économistes bourgeois soutient qu’en déplaçant des ouvriers engagés, la machine dégage un capital destiné à les employer de nouveau à une autre occupation quelconque…[..]… En dehors de leur ancienne occupation, ces hommes, rabougris par la division du travail ne sont bons qu’à peu de chose et ne trouvent accès que dans des emplois inférieurs, mal payés, et, à cause de leur simplicité même, toujours surchargés de candidats ».

[]…Avec le progrès de la production mécanique en Angleterre, le nombre de gens condamnés aux mines de houille et de métal s’élève énormément. D’après le recensement de 1861, il y avait 246 623 mineurs, dont 73 546 au-dessous et 173 067 au dessus de vingt ans. Parmi les premiers 835 avaient de cinq à dix ans, 30 701 de dix à quinze, 42 010 de quinze à dix-neuf ans. Le nombre des ouvriers employés dans les mines de fer, de cuivre, de plomb, de zinc et autres métaux s’élevait à 319 222.

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D’après Adam Smith, dix hommes fabriquaient de son temps, au moyen de la division du travail, plus de 48 000 aiguilles par jour. Une seule machine en fournit aujourd’hui 145 000 dans une journée de travail de 11 heures. Il suffit d’une femme ou d’une jeune fille pour surveiller quatre machines semblables et pour produire 600 000 aiguilles par jour et plus de 3 000 000 par semaines.

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La première manufacture de plumes d’acier sur une grande échelle a été fondée à Birmingham, par M. Gillot. Elle fournissait déjà en 1851, plus de 180 millions de plumes et consommait, par an, 120 tonnes d’acier en lames. Birmingham monopolisa cette industrie dans le Royaume-Uni et produit maintenant, chaque année, des milliards de plumes d’acier. D’après le recensement de 1861, le nombre des personnes occupées était de 1428 ; sur ce nombre il y avait 1268 ouvrières enrôlées à partir de l’âge de cinq ans. [remarque : si dix hommes fabriquaient 48000 aiguilles, il aurait fallu, avant mécanisation,  37500 hommes pour produire 180 millions d’aiguilles].

RETOUR A « L’EMISSION POLITIQUE »

« Si on les avait écoutés [les luddites], vous seriez venus en charrette et seriez habillé en sac à patates »

On ne les a pas écoutés. Si on refuse d’accompagner le progrès en prenant en compte ses dégâts, soyons au moins conscients des morts sur lesquels il se construit.

Une dernière remarque : M. LENGLET présente des courbes de croissance de l’emploi en précisant que l’on n’a jamais eu autant de technologie mais qu’on n’a jamais eu autant d’emplois puis cite le cas des Luddites. Cela m’avait donné l’impression que les Luddites avaient tort de s’inquiéter de la disparition de leurs emplois, puisque d’autres étaient créés. Toutefois, les courbes concernant l’emploi commencent à partir des données de 1950 (soit plus d’un siècle après les luddites). Il aurait fallu présenter les courbes de l’emploi à partir de 1800 pour pouvoir faire le parallèle.

Par ailleurs, « on n’a jamais eu autant de technologie mais on n’a jamais eu autant d’emplois », mais, pour être honnête, il faut ajouter qu’on n’a jamais eu autant de chômage également !

Tag(s) : #Société
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